SANDBOX COSMOGONIE
Sommaire
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Préambule
Rien de ce qui suit n'est admis en tant que certitude. Il s'agit d'un mélange d'hypothèses, de théories, d'observations et de conventions établies par des siècles de croyances, de recherches et de pratiques magiques. On peut même considérer que s'il existe une explication avérée à notre monde elle ne se trouve peut-être même pas au sein de cette théorie unifiée. Son seul mérite est d'exister et de poser les bases d'une cosmogonie valable puisque vérifiable dans le monde des phénomènes. Seule la rencontre d'une exception pourrait, à jamais, remettre en question cette approche.
Cosmogonie
Par la cosmogonie, on définit ici l'ensemble des faits, mythes, observations, études scientifiques et informations qui permettent d'expliquer et de comprendre notre univers.
Aux origines du monde
Les Dieux et les Dragons se sont formés dans un univers de "Possibles". On pourrait l'appeler Monde Onirique, mais cela supposerait que tout ce qui constitue notre univers n'est que rêve, or ce point est encore âprement discuté par les théoriciens en tout genre. Pourquoi ? Parce que le monde que nous connaissons et que nous nommons Réalité ne serait somme toute qu'un "Possible", donc une réalité onirique parmi d'autres. Les Dragons et les Dieux avaient chacun un pouvoir sur les Possibles mais ils l'exerçaient selon une philosophie différente. Les Dragons cherchaient à faire partie des Possibles, à s'y mêler, s'y dissoudre, tandis que les Dieux voulaient les contrôler, les façonner.
Notre Réalité serait à l'origine la création d'un petit groupe de Dieux nommé les Prométhéens. Ils créèrent une vaste terre entourée d'eau et chaque Prométhéen (leur nombre n'est pas certain, même si on considère généralement qu'ils étaient 12) façonna un être primordial, une sorte d'image, d'avatar d'eux-même dans la Réalité. Chacun de leurs avatars servit de modèle au concept d'incarnation et cette Réalité, ce monde qu'ils avaient créé, devint leur terrain d'expérience exclusif. Il faut voir les Avatars (tels qu'on les appelle aujourd'hui) comme de puissants Mages-Sacrifiés, pouvant accomplir des exploits magiques incroyables et, notamment, dotés de la capacité à engendrer tout ce qu'il voulait dans le monde à condition que cela en respecte les règles établies.
Ces règles sont peu ou prou celles qui existent encore aujourd'hui mais compte tenu de leur nature et de leur volonté, l'idée même d'Onirisme échappant à leur contrôle était voulue. Ils ont importés dans leur monde tous les Possibles dont ils avaient besoins, répandirent la vie végétale, animale et humanoïde telle que nous la connaissons et fondèrent des civilisations à nulle autre pareille. Cet âge d'or des Avatars dura des siècles et leur patience à façonner ce monde rendit jaloux les autres Dieux qui, chacun dans leurs Possibles, forgeaient des ersatz de réalité bien malhabiles en comparaison. Alors, nombre d'entre eux décidèrent de venir explorer et étudier le monde des Prométhéens (appelons le Prométhéa pour plus de facilité, même si l'on doute qu'il ait jamais porté un nom), sans forcément leur demander leur avis ni respecter les règles initialement posées par eux.
Les guerres immortelles et le Cataclysme
Tels les Dieux qu'ils étaient, les puissances étrangères à Prométhéa y débarquèrent, brisant les règles établies. Contraint par le pouvoir des Prométhéens en colère, les Dieux s'efforcèrent malgré tout de s'établir. Ils avaient tout l'air d'Onirismes hors de contrôle tels que nous les connaissons, mais ils étaient d'une puissance effrayante et les peuples de Prométhéa eurent assez peur pour penser que même les Avatars ne pourraient rien contre eux. Dans un conflit qui, dit-on, dura plusieurs siècles et dans lequel, les Dieux parvinrent à convaincre nombre de mortels de rejoindre leur cause, le monde finit par s'embraser.
Las de lutter pour maintenir la cohésion de leur œuvre, les Avatars entrèrent en guerre sans plus faire preuve du moindre discernement. Ils ont ainsi provoqué des ravages en bannissant leurs homologue divins. Dans le même temps, les peuples victimes de ces conflits se rebellèrent contre les Dieux et les Avatars, participant au bannissement des premiers et aux reniements des seconds. Difficile de savoir si ces derniers agirent par dépit ou de colère lorsqu'ils frappèrent Prométhéa, abandonnant leur monde à la folie et au désespoir.
L'on tient pour acquis que le Cataclysme n'a pas duré qu'un instant mais s'étale sur une période de temps somme toute assez courte au regard de l'histoire de Prométhéa. Il est aussi admis que les peuples de Prométhéa savaient, dès cette époque, utiliser le pouvoir des Avatars, dans une moindre mesure qu'eux mais, en unissant leurs efforts, avaient les moyens de rivaliser avec les Dieux. Ce qui est moins sûr en somme c'est dans quelle mesure les Dieux et les Avatars ont été détruit ou bannis. Même si, depuis cette époque, il semble évident que leur influence sur le monde a disparue, nous ignorons s'ils ont véritablement été anéanti, s'ils ont été bannis et ont décidé de passer à autre chose ou si, dans le plus grand secret, ils préparent leur vengeance ainsi que leur retour fracassant.
L'âge du chaos
Après le Cataclysme, dont le résultat immédiat fut la disparition massive des terres émergées et la destruction de toutes les grandes civilisations prométhéennes, les survivants ont tenté de reconstruire leurs habitats. Les terrestres, jusque là les plus nombreux, furent confronté à l'isolement, se développant sur des îles et des archipels minuscules avec pour seule perspective l'océan à perte de vue. Les peuples marins, guère mieux lotis car moins nombreux, et surtout séparés les uns des autres depuis la création de Prométhéa, explorèrent les ruines englouties des terrestres et finirent par se rencontrer. Parti à la conquête de territoires sous-marins nouveaux, ils se livrèrent des guerres sans merci pour le contrôle des reliques et artefacts des temps prométhéens.
Si l'on s'accorde sur le fait qu'un terrible empire sous-marin, l'empire podocéphalien, se dressa et chut durant plus d'un millénaire, ses tenants ignorèrent volontairement ce qui se passait à la surface. Le peu d'Humains, de Draconiques, de Talvakas et de Barissans qui avaient pu survivre à la surface ne les intéressaient pas, tant parce qu'ils représentaient une minorité dont les développements étaient limités par leur environnement, que parce que l'empire du dessous avait de toute façon fort à faire. Il semblerait que l'empire était au mains (si j'ose dire) des Podocéphales et que les Benthiks finirent par ne plus apprécier leurs facéties pour se lancer dans l'abattage de la puissance impériale. Si l'on suppose que les Métamorphes ont malgré tout survécu à l'extermination dans laquelle s'étaient lancée les Podocéphales, il semblerait qu'avec la disparition inexplicable des Draconiques que, des 12 Avatars originaux, seuls 5 sont encore pleinement représentés de nos jours (Humain, Talvaka, Barissan, Benthik et Podocéphale).
Plus de 2000 ans après ces événements (la durée reste assez vague), la situation sous-marines et à la surface n'a guère évolué. Les Humains sont devenus l'espèce dominante à la surface et même la montée en puissance puis la chute de plusieurs grands royaumes n'a pas changé cet état de fait. Les Talvakas et les Barissans continuent de vivre aux crochets des communautés humaines dominantes qui se consolident par leur proximité. Ils craignent naturellement les Benthiks qui sont les plus présents sous la surface en supposant qu'il existe peut-être encore d'autres menaces plus profondément sous l'eau. La situation sous-marine n'est pas tout à fait claire. Il semblerait que les Podocéphales soient toujours l'espèce dominante des régions sub-maritimes.
La montée en puissance des Cités-États indépendantes
L'Âge du Chaos n'a laissé aux peuples humains qu'une seule vraie alternatives, celle de consolider leurs sociétés pour faire face aux menaces venues de l'océan autour de pôles les plus autonomes possibles. À travers les âges, il est apparu que bâtir de puissants empires sur de multiples archipels est rendus impossible par l'activité benthique qui brise les lignes de communication les plus longues. Les terres, le moindre caillou hors de l'eau, sont les seuls refuges des terrestres contre les menaces sous-marines imprévisibles.
Si le rapprochement pacifique de certains Benthiks avec la surface ont apporté quelques informations sur la manière dont cela fonctionne sous l'eau, il s'avère que les flux migratoires sous-marins sont particulièrement importants et redessinent sans arrêt les pôles d'influence et d'ingérence des populations aquatiques avec la vie terrestre. À ce jour, les Joyaux de la Mer Étincelantes constituent l'un des regroupements étatiques le plus solide de la surface, mais il semble ancré dans la nature humaine de ne pas tenter d'unifier davantage ces nations de crainte d'attirer l'attention des royaumes et empires sous-marins que les Humains imaginent régenter le monde aujourd'hui.
Unitaire et suffisamment concentré, la Cité-État est donc le modèle politique et sociale le plus adapté à la pérennité de la vie des terrestres. Il se rappelle de lui-même aux visée hégémoniques des plus puissants souverains humains qui estiment que seul un développement plus poussé de la Magie Onirique (notamment par le biais des Sacrifiés et des Pierres) permettra de reprendre l'ascendant sur les populations sous-marines et, peut-être un jour, d'aller leur disputer des territoires. C'est pour faire face à cette perspective que l'ordre des Yanselmistes existe aujourd'hui, attaché à ce que le Rêve et la Réalité soient en parfaite harmonie et opposé à ce que l'usage débridé de la magie ne provoque un nouveau Cataclysme.
Le Rêve et l'Univers des Possibles
Il est possible, aussi dérangeante soit cette idée, que notre Réalité ne soit finalement qu'un concentré de "Possibles" dans un univers infini de "Possibles". Une telle idée suppose donc que la stabilité de notre Réalité ne tient qu'à sa capacité à rester cloisonnée et isolée du reste des Possibles. Sous ce vocable on retrouve les concepts familiers de nos mages, à savoir, le Monde Oniriques (l'immense majorité de l'Univers des Possibles), le monde réel (une exception dans l'Univers des Possibles), les Nexus et les Onirismes (des failles par lesquelles les Possibles étrangers à notre monde interfèrent avec notre Réalité).
Les êtres vivants capables de rêver seraient à la base issue de l'Univers des Possibles, puisque forgés par le modèle des Avatars. À force de descendance et d'héritage du vivant, toujours plus ancré dans ce concentré de Possibles qu'est notre Réalité, les vivants auraient perdus leurs capacités naturelles à projeter leur esprit dans le reste des Possibles pour les assujettir à leur volonté, ce qui est aujourd'hui le seul apanage des Mage-Rêveurs. Les mortels "ordinaires" ne disposeraient plus que d'un reliquat de ce pouvoir qui se traduit par les rêves.
Ce qui est paradoxal est que plus les mortels se conforment à cette perception, c'est à dire en laissant le Rêve pour ce qu'il est et ne "croire" qu'en la réalité comme étant la seule existante, ils continuent de consolider cette dernière pour ce qu'elle est et à perdre ce pouvoir de la remodeler à leur convenance. Des siècles d'évolution intellectuelle loin du savoir et des capacités des Avatars auraient réussi à faire ce dont les Avatars eux-mêmes ont été incapables, c'est à dire bâtir un véritable mur infranchissable pour les Dieux, bâtir une exception dans laquelle les Possibles "extérieurs" ne peuvent plus pénétrer et, donc, dans laquelle les Dieux eux-mêmes ne peuvent plus exister.
Un Mage-Rêveur est un mortel capable de voir l'Univers des Possibles dans son ensemble. Il ne peut le faire qu'en dormant ou en étant abruti par des drogues précisément parce qu'il doit relâcher totalement sa conscience pour accéder à ce que ses sens ne peuvent plus percevoir. Sans cette perméabilité encore vivace entre le reste de l'Univers des Possibles et notre Réalité, les Rêveurs ne pourraient pas exister, mais ils sont spéciaux à bien des égards, car non seulement ils peuvent accéder aux Possibles à travers leurs rêves (donc comme pratiquement tous les mortels), mais ils peuvent en outre les manipuler et en jouer à leur convenance, exactement comme le firent les Dieux. Chaque Rêveur est capable de bâtir un nouveau monde de Possibles de son choix, mais, n'ayant pas la puissance des Prométhéens, il n'est pas capable de le maintenir indéfiniment.
Il est acquis qu'à l'instar des êtres, notre monde lui-même se "projette" dans les Possibles. Si on imagine notre monde comme un morceau de bois flottant la surface de l'eau, sous quelques angle qu'on le regarde à la surface, sa partie émergée se reflète dans la surface d'eau qui le jouxte et, inversement, si on l'observe sous l'eau, ses reflets se projettent à nouveau sur sa section émergée. Cette analogie explique comment les Rêveurs peuvent voir certains aspects de notre Réalité dans le Rêve et comment ils peuvent projeter certains Possibles du Rêve dans la Réalité.
Qu'est-ce qu'un "Possible" ?
Ce terme est un peu le fer de lance de cette Cosmogonie. Un Possible est l'éventualité d'un événement, d'un objet, d'une propriété, d'un faits, d'un animal, d'un être, etc. ou d'un ensemble constitués d'autres Possibles. Notre Réalité est constituée d'une quantité réellement indénombrables de Possibles imbriqués les uns dans les autres et assez solidement unis pour être isolés du reste de l'Univers des Possibles. Il convient de garder à l'esprit que l'on peut intégrer un monde entier aussi bien qu'une bille de glaise sous le vocable de "Possible". Si toutefois il est envisageable de délimiter un Possible qui n'en contiendrait pas d'autres, on pourrait le qualifier de "Possible primitif", comme une sorte de brique de construction de base à partir de laquelle on pourrait fabriquer d'autres Possibles.
Entendons-nous bien, on ne "fabrique" pas de Possibles. Ceux-ci existent en tant que tels, dans une sorte de catalogue géant de tout ce qui est imaginable (ou pas, nous avons nos limites). Nous, Rêveurs, ne faisons que les explorer et les sélectionner pour atteindre nos objectifs et cette approche quelque peu globales de la façon dont les Possibles s'articulent ne nous permet pas plus de les comprendre que de les transformer. Du reste, comme nous sommes dans l'incapacité d'entrevoir de quelle manière l'Univers des Possibles est apparu, nous sommes tout autant incapable d'être plus précis dans notre définition.
Dans ce qui suit nous ne ferons donc pas de différenciation entre les Possibles, quels que soient leurs capacités, leurs domaines d'application ou leur complexité.
Les limites des Rêveurs
Dans les guildes on forme les Mage-Rêveurs à la compréhension totale de leur relation privilégiée avec l'Univers des Possibles qui, pour eux, n'est qu'une extension de ce que notre monde est. Notre monde est une portion de l'Univers des Possibles figées dans un état particuliers. En s'ouvrant de plus en plus aux Possibles, les Mages-Rêveurs perçoivent donc au-delà de notre monde les différentes variations qui s'accrochent à lui. Un Possible est un concept difficile à saisir. D'aucun vous donneront des exemples simples, vous décrivant qu'à la périphérie onirique du monde il existe un Possible où les oranges sont bleues. Mais ce n'est pas un univers à part, un monde identique au notre où les oranges sont bleues, non, il ne s'agit que d'une hypothèse, une variation, une possibilité que nos oranges soient bleues. Et ce Possible partage cette propriété des oranges avec d'autres qui les voient noires, vertes ou blanches.
La notion de Possible ne s'arrête pas à ce que l'on peut voir, toucher ou sentir, mais aussi à ce que l'on peut vivre. Ce qui veut dire qu'il existe des Possibles pour chaque événements, pour chaque pensée et chaque idée, des Possibles pour chaque personne, bref, des Possibles pour tout et n'importe quoi, y compris des choses qu'ils nous est impossible d'imaginer ou de concevoir. La règle fondamentale derrière cela est qu'un rêveur (mage ou non) ne voit QUE des Possibles étrangers à la Réalité. Des Possibles parfois si proche de celle-ci qu'ils ne feront pas la différence.
Lorsqu'une personne rêve, elle visite assez souvent ses propres Possibles, différentes variations d'elle-même dans l'Univers des Possibles, et tend à concentrer ceux-ci au même "endroit" onirique. Lorsque cette même personne ne rêve plus, ses Possibles ainsi assemblés se fractionnent, se délitent et retournent à leur "distance" initiale les uns des autres. Un Mage-Rêveur possède la capacité de choisir quels Possibles il privilégie, de quelle capacité il a besoin pour se "connecter" à d'autres Possibles et assembler ainsi le rêve qu'il souhaite, là où le simple mortel ne fait qu'errer d'un Possible à l'autre sans aucun contrôle.
La capacité des Mages-Rêveurs à voir les rêves d'autrui consiste donc à explorer les Possibles auxquels l'esprit de cette personne se raccroche précisément par proximité et ressemblance, à en déceler la concentration et à suivre celle-ci, puis à s'inclure dans ces Possibles en sélectionnant simplement un ensemble de Possibles dont sa propre "image" fait partie. Il existe donc une vraie capacité des Mages-Rêveurs à déceler vers quels Possibles l'esprit d'une personne dérive, mais, entendons-nous bien, cette capacité ne permet pas de lire dans son esprit, ni de comprendre pourquoi cet esprit s'intéresse à ce Possible plus qu'à un autre. Ceux qui prétendent comprendre les autres en observant leurs rêves sont généralement des charlatans. Le seul fait avérés est qu'une observation assidue des Possibles d'un être vivants (donc de la multiplicité des variations de lui-même dans lesquelles il s'incarne) permet d'élaborer un profil plus ou moins fidèle de cette personne, de son vécus, des événements qui entoure sa vie. A priori, nul ne peut échapper à cette investigation car ce n'est pas cette personne qui est analysée, seulement des Possibles d'elle-même et ceux-ci sont présents dans l'univers des Possibles qu'il le veuille ou non.
Le Mage-Rêveur entraîné peut, à loisir, sélectionner un ensemble de Possibles adéquats pour faire vivre à lui-même ou à n'importe qui un rêve contrôlé. Lorsque deux Mages se confrontent, leurs pouvoirs respectifs élaborent une sélection et une connexion plus rapides ou plus violentes des Possibles de l'un et de l'autre. Rappelons que pour plonger un rêveur dans un rêve spécifique, il faut assembler autour des Possibles de sa personne les Possibles de vécus, d'entité et de formes que l'on souhaite inclure dans son expérience onirique. Cela étant, à part perturber l'autre rêveur et lui faire expérimenter des émotions particulières, une telle pratique n'est théoriquement pas dangereuse. Du moins, on ne connaît aucun stade à partir duquel l'on peut véritablement risquer son existence au cours d'un rêve.
Lancer un sort dans le rêve
L'on se trompe généralement sur l'activité qui consiste à lancer un sort dans le monde onirique au cours d'un rêve. En réalité, cette activité se confond avec la pratique de base d'un Mage-Rêveur qui consiste à trouver des Possibles pour les assembler. Pour que cela ait un effet plus ou moins persistant sur l'Univers des Possibles (donc même après le réveil du Mage Rêveur), il faut que cet assemblage soit particulièrement habile et minutieux pour résister à l'entropie naturelle de l'Univers des Possibles. Plus l'on souhaite qu'il tienne longtemps, plus l'activité onirique du Mage-Rêveur doit être longue et intense.
Dans notre Réalité où les mages peuvent découvrir tous les secrets de tout le monde, préserver ses Possibles d'une investigation est réalisable mais fastidieux. Les Mages sont assez rares pour ne pas être systématiquement employés à étudier les secrets d'autrui (ce qui est une perte considérable de temps, il y a mieux à faire de son temps de rêve) ou à bâtir des forteresses oniriques autour des Possibles des personnes fortunées ou/et paranoïaques de notre monde. Cela étant, la méthodologie d'investigation et de protection étant strictement à l'opposée l'une de l'autre et non persistante dans l'univers des Possibles, c'est un travail répétitif et imparfait. De la même façon qu'un Rêveur aime généralement à se construire et à maintenir dans le Monde des Possibles un petit univers de poche familier, une sorte de sanctuaire, dans lequel il se retranchera aussi souvent qu'il le souhaite, il peut aussi passer son existence à percer les mystères de l'univers. Toutes ces théories donne d'ailleurs raison à leur manière de faire, car si notre Réalité n'est qu'une exception dans les Possibles ce qui en est à l'origine se trouve effectivement ailleurs.
Lancer un sort dans la réalité
Un Mage-Rêveur a le potentiel pour sélectionner un ensemble de Possibles dans le Monde des Possibles et de l'amener à s'incarner dans la Réalité. Ce pouvoir, généralement peut usité en raison du caractère relativement incontrôlable de ce qu'un Possible donné peut engendrer une fois mélangé aux Possibles qui la compose, a largement inspiré la méthode de lancement de sorts pratiquée par les Mages-Sacrifiés. Toujours est-il que le Mage-Rêveur prend beaucoup moins de risque que le Mage-Sacrifiés, sa pratique lui permettant de sélectionner le Possible le mieux adapté à la Réalité, c'est à dire quelque chose de tellement proche et de tellement faisable de ce qui compose notre réalité que cela se mariera au mieux avec elle.
De là, on pourrait se demander pourquoi la magie "réelle" des rêveurs n'est pas plus définitive ou persistante ? C'est tout simplement parce qu'à l'instar du Monde des Possibles qui tend vers l'entropie, le Monde Réel tend vers un unique Possible dont la stabilité est garantie par la grande majorité des mortels qui y vivent et qui impose inconsciemment une "normalité" à notre monde. S'il était possible un jour de faire admettre à l'ensemble de tous les mortels du monde un Possible, alors il est envisageable que ce Possible soit définitivement intégré à la réalité. Cette croyance est invérifiable et les Yanselmistes sont particulièrement vigilants à ce que cela ne se produise jamais.
Les Pierres Oniriques
A priori, les Pierres Oniriques ont toujours existé. Comme chacun le sait, elles constituent une source de pouvoir à part entière auxquels certaines personnes sont suffisamment sensibles pour en tirer partie. Chaque pierre incarne ou véhicule dans notre réalité un ensemble de Possibles. D'aucuns prétendent qu'il existe un point commun entre Nexus et Pierres Oniriques mais leur nature est assez dissemblable, d'une part parce que les Pierres Oniriques sont, par essence, mobiles, ce qui n'est pas le cas d'un Nexus (encore que), et d'autre part parce que les Pierres Oniriques ne facilitent pas spécialement la création d'Onirisme. Elles ne sont que des moyens par lesquels les non-mages (ceux qui ne sont ni Rêveurs, ni Sacrifiés) peuvent façonner des Onirismes.
Le terme de Pierre Onirique est galvaudé. Une Pierre Onirique n'est pas nécessairement minérale. En réalité, le "Possible" qui préside à l'existence d'une Pierre peut se produire dans n'importe quel matériaux, y compris dans l'air. Mais il faut bien comprendre que la durabilité de la matière d'accueil n'est en rien affectée par sa nature onirique, si bien que les matériaux subissant les outrages du temps plus vite que les autres disparaissent plus vite. La pierre est plus durable pour plusieurs raison. L'érosion mets des millénaires à détruire une pierre, si bien que les Pierres Oniriques minérales sont les plus durables. Donc, à terme, les plus répandues. Briser une Pierre libère le Possible qui lui donne son pouvoir qui se dissout alors dans la Réalité.
Il existe une théorie dite "de réincarnation des Pierres Oniriques" qui laisse à penser que le pouvoir d'une Pierre se déplacerait vers un autre support si celui d'origine est détruit. Cette théorie n'a jamais pu être démontrée et semble des plus farfelues. La théorie qui soutient que les Pierres Oniriques sont des imperfections du Réel issues de son façonnage initial et que les faire disparaître lui fait retrouver plus de stabilité en éliminant des Possibles qui ne sont pas censés en faire partie semble beaucoup plus sérieuse. Ce qui fait la préciosité des Pierres Oniriques est leur rareté et le fait que chacune de leur disparition est définitive.
Les Mages-Sacrifiés
Le procédé qui permet de faire de soi un Mage-Sacrifié a largement été inspiré par les Pierres Oniriques. L'idée de remplacer un de ses propres Possibles par un autre capable de développer de nouveaux Possibles dans la réalité est aussi géniale que contre-nature. C'est du reste la seule façon que l'on a trouvé pour "imiter" les capacités des Pierres. Le problème posé par cette substitution est que le Possible de remplacement peut adopter des postures, des influences et des comportements quasi-imprévisibles. Il y a clairement autant de désavantages à opter pour un sacrifice d'une partie physique qu'à opter pour un sacrifice d'une partie psychique ou morale de l'être. En effet, l'ablation de la partie physique sacrifiée (si une telle opération n'est pas mortelle) privera, à l'instar de la destruction d'une pierre, le mage du pouvoir procuré par son sacrifice. Quant aux substituts psychiques, ils peuvent altérer le comportement de façon assez significative et finissent, tôt ou tard, par rendre le mage fou.
Si l'on excepte ces inconvénients, la "création" du Possible de substitution est la clé du pouvoir des Mage-Sacrifiés. Il s'agit de trouver dans l'Univers des Possibles un Possible qui remplit exactement la fonction de la partie sacrifiée et qui, en plus, permet de déployer dans la réalité un certain nombre d'autres Possibles. Cette recherche peut s'avérer longue et requiert souvent l'apport d'un Mage-Rêveur, le plus apte à arpenter l'Univers des Possibles à l'a recherche de l'oiseau rare. Tout cela constitue la limite de pouvoir d'un Mage Sacrifié qui, selon les Possibles qui lui ont été accordé ne pourra, tout comme une Pierre Onirique, exercer la création d'Onirismes que dans les Possibles auxquels il a accès.
De ce fait, les premiers Mages Sacrifiés ont souffert d'un manque cruel de capacités magiques en raison du peu de méticulosité dans la recherche du Possible idéal. De la même manière, d'autres, décidés à sacrifier une partie de leur être qu'ils auraient choisis n'ont pas forcément trouvé le Possible de substitution idéal et ont été contraint de modifier leur sacrifice ou d'accepter de faire des concessions. C'est la raison pour laquelle, les Mages Sacrifiés accordent généralement plus d'importance à la fonction qu'à l'apparence (ou à la stabilité) du Possible de substitution. Pour être sûr de ne pas se priver d'un grand nombre de possibilités, ils peuvent même aller jusqu'à rogner sur la fonction, mais ils le payent alors le reste de leur vie. Ce procédé peut même être utilisé plusieurs fois pour couvrir un champs plus large de Possibles avec le risque inconsidéré de perdre jusqu'à sa personnalité.
Des rumeurs circulent quant au fait que les Mages-Sacrifiés sont des semi-onirismes. Si c'était vrai, un simple bannissement d'onirisme pourrait leur coûter cher. Si ce qu'ils ont sacrifié les marque à jamais sous le sceau de l'onirisme, ce n'en est pas vraiment un. Il faut accorder au sacrifice la même nature que les Pierres Oniriques, c'est à dire une persistance de Possibles tels qu'ils font pleinement partie de la réalité. Depuis la réussite dans la création des Mages-Sacrifiés, beaucoup se sont dit que le procédé permettrait probablement de créer des Pierres Oniriques, mais hélas, il se trouve que les êtres vivants, rêveurs par nature, sont bien plus malléables et adaptables aux Possibles que ne peuvent l'être les matériaux bruts. Créer une Pierre reviendrait à être capable de substituer un Possible qui est bien plus ancré dans le réel que ne le sont les vivants. C'est un processus que les Avatars pouvaient sans doute opérer, mais nous, mortels, n'avons pas leur puissance, ni les moyens d'atteindre un tel niveau dans la modification permanente de notre Réalité.
Réversibilité du processus
Il est acquis pour la plupart des pratiquants de magie que le sacrifice d'un Mage-Sacrifié n'est pas réversible. Pourtant, puisqu'on substitue un Possible d'origine à un Possible extérieur à la Réalité, le ou les Possibles sacrifiés font alors partie du Rêve. On pourrait donc les retrouver et substituer à nouveau le Possible extérieur avec celui d'origine. Plusieurs faits nous empêche de donner foi à l'efficacité de cette pratique : déjà, il est rare qu'un Mage-Sacrifié décide de renoncer à ce qui fait son pouvoir. Personnellement, je n'en connais aucun, l'expérience n'est donc pas réalisable à moins de ne pas respecter la liberté du bénéficiaire. D'après ce qu'on sait, réaliser cette opération suppose de bannir beaucoup plus de Possibles dans ce sens que dans le sacrifice initial. Effectivement, le Sacrifice consiste à acquérir toute une panoplie de Possibles définitivement imprégnés dans notre Réalité. Vouloir faire l'opération inverse suppose donc de supprimer cette relation. Enfin, le processus initial étant douloureux et même parfois fatal, quand bien même il serait réversible, il n'est pas moins risqué. Comprenez que pendant un court laps de temps, si court soit-il, le sacrifié ne possède plus ce qu'il sacrifie et pas encore ce qui doit le remplacer. C'est un moment crucial et parfois mortel pour ceux qui s'y risquent.
Une rumeur prétend que l'expérience a déjà été menée avec plus ou moins de succès sur un mage qui avait sacrifié sa main gauche. Elle lui fut coupée après qu'un Mage-Rêveur ait retrouvé la main d'origine pour la lui greffer quasi aussitôt. La main onirique coupée s'est naturellement dissoute hors de la Réalité comme l'auraient fait les Possibles d'une Pierre Onirique détruite. Si la greffe a été réalisée avec succès et moult magie pour soigner l'individu déployée, il serait tout de même décédé des suites de l'opération mais pas immédiatement. Le fait d'avoir possédé des années durant un Sacrifice aurait fini par modifier suffisamment sa personne pour le rendre incompatible avec sa main d'origine.
Lancer un sort de Mage Sacrifiés
Bien que le résultat dans la réalité se traduise de façon assez semblable, les Mages-Rêveurs et les Mages-Sacrifiés ne lancent pas les sorts de la même manière. Sur la pratique, c'est déjà une évidence puisque les Mages-Rêveurs doivent dormir et explorer l'Univers des Possibles pour y trouver ce qu'ils veulent ramener dans la réalité. D'une certaine façon, ce que les Mages-Sacrifiés peuvent accomplir se trouve déjà dans la réalité, associés à la partie de leur être substituée qui contient l'ensemble de son potentiel magique, à l'instar d'une Pierre Onirique. Il leur suffit de dupliquer ou de détacher ce Possible de leur être pour le libérer dans la Réalité, exactement comme le ferait un utilisateur de Pierre Onirique avec une Pierre.
Onirisme et Contrôle
La hantise des Mages-Rêveurs est de voir l'Univers des Possibles s'infiltrer sans contrôle dans le réel ou inversement, que le réel ne se dissolve dans l'Univers des Possibles dont il fait partie (selon ce qui est expliqué ci-avant, les deux sont synonymes). Ils savent tout ce que recèle cet univers et comprennent assez rapidement que la stabilité de notre réalité tient à peu de choses. Une hypothèse selon laquelle laisser errer les Possibles étrangers (les Onirismes) dans notre Réalité serait de nature à la changer peu à peu pour la faire glisser dans le rêve semble pourtant peu crédible. L'on suppose même que l'impossibilité de le faire est concrète vu que même les Avatars s'y seraient cassés les dents.
Les Onirismes en tant qu'effets des sorts créés par les Mages-Sacrifiés et les Utilisateurs des Pierres Oniriques ont tous la capacité à échapper au contrôle de celui qui les invoquent. C'est uniquement en ce sens qu'ils sont dangereux. Les Possibles extérieurs à notre Réalité se mélangent à elle de façon parfois imprévisibles et ce côté chaotique propre à l'Univers des Possibles est redoutablement efficace pour attiser la peur. L'ensemble de notre culture s'accorde sur le fait que la magie est une pratique indispensables dont personne n'aimerait être totalement privé, quitte à prendre quelques risques. L'on qualifie donc de Risque Onirique la probabilité toujours croissante de voir les onirismes mener leur vie propre. Les considérer comme des menaces est un choix culturel même si on peut admettre que leur prolifération n'apporterait rien de bon à notre Réalité.
Mais comment se fait-il qu'un Onirisme puisse échapper au contrôle d'un mage ? Ce n'est pas tant le Possible en lui-même qui lui échappe. Chaque fois qu'un mage lance un sort, il extrait un modèle de Possible du potentiel à sa disposition. Rappelons qu'il est réduit avec les Pierres et relativement étendus pour les Sacrifiés. Toujours est-il que la sélection de ce Possible doit être menée avec finesse. À chaque fois que l'un d'eux se déploie en tant qu'effet de sort, il "excite" les Possibles qui lui ressemblent et plus les effets déployés sont nombreux plus ils s'influencent les uns les autres. C'est ainsi qu'en libérant un Possible, un mage peut accidentellement en exciter un autre au point qu'il se libère de lui-même mais, cette fois, sans les contraintes et le cadre imposé par la libération contrôlé (le lancement d'un sort), d'où la perte de contrôle.
On sait qu'un Onirisme contrôlé est résorbé naturellement. Un Onirisme sous contrôle peut d'ailleurs être résorbé à tout moment par le mage qui l'a créé. Un Onirisme incontrôlable peut durer indéfiniment parce qu'il est déjà ancré dans notre Réalité. Il faut se rappeler qu'un Possible déployé par la Magie des Pierres ou la Magie des Sacrifiés fait déjà partie intégrante de notre réalité puisque lié à la pierre ou au sacrifice du mage. Il est donc indéfiniment légitime à errer sur le monde hors du berceau dans lequel il reposait. Les Mages-Sacrifiés ne se rendent généralement pas compte que s'ils ne "gèrent" pas les Onirismes accidentels, ils perdent peu à peu leur potentiel. La raison pour laquelle les Mages-Sacrifiés s'évertuent à détruire les Onirismes qui leur échappent n'est donc pas forcément le résultat d'une attitude responsable s'ils ont conscience de disséminer leurs pouvoirs dans le cas où ils ne le feraient pas.
L'action de "bannir" un Onirisme, terme cher à ceux qui pensent qu'un Onirisme est échappé du Rêve (ce qui est vrai en un sens, mais techniquement imprécis) consiste moins à détruire l'Onirisme en question qu'à le forcer à adopter un Possible le contraignant à l'inaction. En effet, l'Onirisme étant né d'un Possible lié à un Mage-Sacrifié, il fait partie de la Réalité, on ne peut l'en chasser à moins de détruire son lien avec celle-ci. Les sorts de bannissement ne sont rien d'autre que des Possibles forçant l'Onirisme libre à retourner à son état latent. Une telle action rend service au Mage-Sacrifié qui l'a libéré et qui récupère ainsi le potentiel lié à ce Possible.
Le pouvoir des Nexus
Le profane décrit souvent un Nexus comme un trou entre le réel et le rêve par lequel les Onirismes pénètrent dans le réel. Notre compréhension de ce qu'est l'Univers des Possibles nous oblige à voir le Nexus comme une zone fragilisée de notre monde au sein de laquelle les Possibles ne sont pas aussi concentrés et figés que partout ailleurs. Ils ne sont en aucun cas un pont entre le Rêve et le Réel mais un lieu ou les Possibles étrangers à notre monde peuvent s'infiltrer plus aisément. C'est aussi la raison pour laquelle, à proximité d'un Nexus, le pouvoir d'une Pierre Onirique ou d'un Mage Sacrifié est plus "facile" à mettre en œuvre tout en accroissant singulièrement la capacité de la Réalité à intégrer par elle-même un Possible étranger.
Les Nexus profite ainsi aussi bien aux Mages-Rêveurs qu'aux autres qui sont alors capable de tirer de l'Univers des Possibles bien plus de Possibles et parfois même des Possibles très éloignés de notre réalité avec bien plus d'aisance. Les autres mages en tirent un bénéfice différent puisqu'ils sont déjà porteur des Possibles qu'ils peuvent mettre en œuvre, mais cet affaiblissement de la densité du réel leur permet de déployer ceux-ci avec bien plus de facilité, la réalité leur offrant moins de résistance. Bien entendu, cette facilité implique aussi un risque plus important de laisser s'échapper d'autres Possibles en même temps, donc des Onirisme hors de contrôle.
Les Possibles spontanés ?
L'un des points intéressant concernant les Nexus se rapporte à leur capacité à générer spontanément des Onirismes. Il est reconnu que dans le voisinage d'un Nexus, certains onirismes se forment par eux-mêmes dans notre réalité. Si cela résultait de l'activité d'un Mage-Rêveur, cela ne troublerait personne, mais ce n'est pas le cas. En revanche, le mécanisme semble être le même. Ceci tend à prouver qu'il existe, dans l'Univers des Possibles, hors de notre réalité, des forces (peut-être naturelles) qui provoquent un rapprochement accidentel de certains Possibles au sein d'un Nexus et cette faiblesse naturelle des Nexus fait que le Possible se forme alors comme se forme le sort d'un Mage-Rêveur.
Cette hypothèse soutient la théorie des Dieux et des Dragons, mais aussi l'idée selon laquelle les activités des Mages-Rêveurs eux-mêmes entraînent parfois des remous ou des courants dans les Possibles permettant ce type d'émergences spontanées.
Notion de distances et d'efforts dans l'Univers des Possibles
Cet ensemble théorique laisse encore beaucoup de questions ouvertes, notamment concernant le rapport plus ou moins direct existant entre le Réel et le Monde Onirique, mais aussi ce qu'implique de se déplacer ou de construire quelque chose dans ce dernier.
Le Temps n'est qu'un Possible parmi d'autres
Dans cette théorie nous mettons en avant que le Temps et toutes ses variations possibles n'est qu'un Possible parmi d'autres. Il se trouve que l'un d'eux est totalement ancré dans notre réalité au point d'en constituer une loi essentielle, mais dans l'Univers des Possibles n'existe-t-il pas ? On pourrait sûrement trouver un Possible qui lui ressemble tellement qu'il est concevable de l'employer comme élément de construction d'un monde onirique propre, c'est d'ailleurs une brique de base souvent utilisée pour créer des rêves conscients cohérents où la continuité et les conséquences sont essentielles à la compréhension et au contrôle de ce qui s'y passe.
Mais il faut bien comprendre que le Temps est un carcan dans l'Univers des Possibles. S'attacher à ce Possible est essentiel pour mesurer la notion d'effort ou de déplacement, mais dans le même temps, il nous impose donc de manipuler les Possibles dans un certains ordres, en respectant certaines limites, certaines lois. S'en affranchir est donc parfois nécessaire et la conséquence de s'affranchir du Temps est de ne plus être capable de comprendre ce que nous faisons dans l'Univers des Possibles, ni même d'évaluer ce qui nous sépare du temps réel.
Les Rêveurs ne prennent généralement pas ce risque. Ils ont besoin du Temps pour fixer les choses dans le Rêve, pour garder un lien même ténu avec la réalité. Les plus doués se risque à bâtir un assemblage de Possible dans le Temps avant de le libérer de cette contrainte pour lui garder une certaine immuabilité. En vérité, aucune méthode de donne de résultat durable probant. Le chaos qui règne dans l'Univers des Possibles est la seule chose immuable. Là est le paradoxe : plus l'on manipule des Possibles proches du réel, plus ils sont faciles à garder cohérent et même durablement dans le monde onirique, mais plus ils sont accessibles à d'autres Rêveurs et le Temps est un concept appartenant à des Possibles "proches" du monde réel.
La distance onirique
Les Mages-Rêveurs expérimentés le savent, il n'existe aucune relation directe entre la différence entre 2 Possibles et l'effort qu'il faut pour les atteindre. Les Possibles les plus inattendus peuvent surgir au sein des Possibles les plus communs sans même qu'on le veuille. Mais curieusement, il est pourtant difficile d'atteindre certains Possibles. Entendons-nous bien : la notion "d'atteindre" un Possible est fondamentalement fausse. L'on ne se déplace pas vraiment dans l'Univers des Possibles. On peut se déplacer au sein d'un Possible dans lequel les notions de temporalité et de distance ont du sens (c'est ce que nous faisons dans le monde réel), mais les Possibles en tant que tels ne sont pas des "objets" situés dans un "espace". Ils sont liés naturellement à la pensée, à l'idée, à l'imagination. Si un Rêveur ne peut pas imaginer un Possible alors il lui est inaccessible, c'est donc avant tout un effort de conception qui crée cette "distance".
Mais du fait de l'instabilité du monde onirique, les Possibles "bougent" et surgissent parfois dans la pensée du Rêveur sans qu'il l'ait sollicité. Cela lui donne accès à de nouvelles idées et de nouveaux concepts, ce qui lui permet d'accroître son expérience des Possibles et réduire la "distance" qui le sépare d'eux. Ceci tend à prouver que plus un Mage-Rêveur cherche à contrôler son rêve moins il apprendra.
Une théorie établit la règle d'accessibilité aux Possibles comme une loi. Cela signifierait que comme on ne peut pas accéder à un Possible qu'on ne peut pas concevoir, tout Possible "inattendu" surgissant dans le Rêve serait nécessairement né de la pensée du Rêveur, de son inconscient. Cela défend l'idée que rien n'existe dans le monde onirique en dehors de ce que nous y apportons. Cette théorie, bien qu'intéressante, demeure fragile tout autant que dérangeante. Elle laisserait entendre que les Dieux, les Dragons et toutes les fantaisies de notre univers n'émaneraient que de nous et elle renverse le fondement de la cosmogonie qui vient de vous être exposée. Elle n'est malheureusement pas réfutable en l'état.
L'effort d'imagination
Mêmes si tout Mage-Rêveur pourrait être confronté à des Possibles dont il n'a aucune idée lors de ses errances oniriques, il a beaucoup plus à gagner à s'intéresser à l'imagination des autres qui comportent bien d'autres Possibles. Il est tout à fait imaginable que si tous les Mages-Rêveurs du monde s'unissaient et s'échangeaient toutes leurs expériences, elle permettrait à chacun d'atteindre des domaines inaccessibles. En l'absence d'une telle connivence onirique dictée par des intérêts discutables (en général très ancrés dans notre Réalité), il revient à chaque Rêveur de faire un effort d'imagination pour accroître son accessibilité aux Possibles.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, un effort d'imagination est le contraire d'un effort intellectuel. L'intellect tend à structurer et baliser la connaissance et les acquis, à rationaliser la pensée, à élaborer la réflexion. Imaginer consiste à se libérer de tout ça, à abolir les limites et les contraintes du réel, à se détacher des contingences, bref, à s'ouvrir à l'impossible. Les mortels sont bien plus conditionnés qu'ils ne le croient et les prémisses de ce qui sépare le Rêveur du gars ordinaire n'est généralement que cette capacité à ignorer les limites du réel. C'est autant un état d'esprit qu'une capacité inhérente à l'être.
Toute la difficulté du Rêveur consiste à trouver un équilibre entre imagination et intellect. Il a besoin du premier pour concevoir et du second pour créer. On ne peut être absolument tourné vers l'imaginaire sans quoi l'esprit peut se perdre. Si la folie peut étreindre les Rêveurs c'est le plus souvent parce qu'il aura abattu trop de barrières et accueilli trop de Possibles déstabilisant et dangereux.
Les Sacrifiés et les Utilisateurs de Pierres Oniriques
S'ils ne sont pas également Mage-Rêveur, les Mage-Sacrifiés et les Utilisateurs de Pierres Oniriques n'ont clairement pas les mêmes problèmes pour appréhender le monde. Quoi qu'il existe dans l'Univers des Possibles, ils ne peuvent exercer leurs capacités que sur ceux qu'ils portent avec eux, soit dans leur sacrifice, soit dans leurs pierres. Ils n'ont pas besoin d'explorer tous les Possibles, juste ceux dont ils disposent. Ils n'ont pas besoin "d'atteindre" ceux-ci qui sont déjà à portée de leurs pensées puisque faisant partie intégrante du réel et de soi.
De là à dire qu'il n'ont pas besoin de faire preuve d'imagination est exagéré. En effet, même si un sacrifice (et une Pierre Onirique dans une moindre mesure) emporte un nombre colossal de Possibles, les connaître tous d'emblée est généralement irréalisable. Il faut donc faire preuve d'un minimum d'astuce et d'imagination pour dénicher tous les effets magiques réalisables.
Interaction entre Rêve et Réalité
Toute cette cosmogonie, toutes ces théories, n'expliquent pas forcément tout, mais elles ont le mérite de créer un cadre crédible pour interpréter les phénomènes qui nous entoure. Quand certains racontent des choses aussi incroyable qu'une Pierre Onirique capable d'affecter seule le Réel ou de la possibilité de façonner le Rêve à partir de la Réalité, les règles évoquées jusqu'ici s'opposent à de telles fantaisies. Elles ne remettent pas en question le phénomène mais son interprétation, et propose d'expliquer comment et pourquoi les témoins et les érudits de pacotille se trompent. Je n'en veux pas nécessairement à ceux qui ont la foi et élaborent des croyances sur la base des phénomènes oniriques en toute méconnaissance de cause. Leur milieu culturel les empêche le plus souvent de se libérer des interprétations avec lesquelles ils ont été éduqués.
Évoquons quelques cas concrets de ces phénomènes soi-disant vécus, avérés mais probablement à cent lieues de leur véritable sens.
Cas fréquent s'il en est, il n'est en effet pas rare pour un Mage-Rêveur de croiser une entité onirique dans l'Univers des Possibles qui prend vie dans la réalité et sert, à sa manière, ses propres desseins, laissant croire qu'il gouverne une sorte d'avatar dans la réalité depuis le Rêve ou inversement, qu'il peut continuer à mener une activité dans le Rêve. Après tout, c'est ce que les Avatars ont fait. La question de savoir si un Possible croisé dans le Rêve est exactement le même que celui qui s'incarne dans la Réalité est probablement plus importante que de s'inquiéter de ses ambitions. Si un Possible "s'incarne" dans le réel, il est naturellement exclus de l'Univers des Possibles étrangers à notre Réalité.
Cela doit rester une règle essentielle, ce qu'on voit dans le Monde Onirique peut ressembler trait pour trait, sembler connaître et faire des choses dans la continuité de son incarnation réelle, il n'en reste pas moins qu'un Possible dans le Rêve n'est pas le même qu'un Possible dans le Réel. Le Réel est une exception du Rêve et les deux sont mutuellement exclusifs. Le problème est bien que chaque Possible possède probablement une infinité de versions différentes capable de faire penser que l'on a affaire au même. Ils n'en seront pas moins différents. Il faut toutefois concéder à cette interprétation une faiblesses notable : la ressemblance peut être telle que la continuité du comportement est observable et, de fait, avérée. On aura beau expliquer qu'un Possible onirique est indépendant d'un Possible réel que la situation nous fera mentir.
On peut trouver un Nexus dans le réel et le rêve
Cette affirmation est fausse. Les Nexus n'existent même probablement pas dans le Rêve ou, dit autrement, il est plus probable que l'Univers des Possibles ne soit qu'un immense Nexus si puissant que tout y est toujours changeant et incontrôlable. Il faut donc recentrer le débat avant de partir dans des comparaisons ineptes, un Nexus n'est rien de plus qu'une zone fragile du Réel où les Possibles étrangers peuvent être amenés plus aisément. Les Possibles au voisinage du Réel évoquant le lieu où le Nexus est présent et que les Mages-Rêveurs peuvent explorer ne comporte aucun caractéristiques semblables dans le Monde Onirique, ce sont juste des Possibles dans une zone (le Monde Onirique) déjà très changeante, donc sans propriété comparable aucune.
Cette volonté de retrouver dans le Rêve des objets ou des particularité propre au Réel est la source de beaucoup de confusion chez les Mages-Rêveurs débutant qui croient simplement voir les coulisses de notre monde, comme s'il s'agissait d'un rideau et que l'on pouvait, par les trous de celui-ci, voir dans le Réel à partir du Rêve. Non, hélas, le Rêve est indépendant du Réel. La capacités à voir dans les Possibles qui sont au-delà du Réel est à sens unique dans l'idée que le Mage-Rêveur occulte les Possibles qui l'entoure pour voir ceux qui sont au-delà de ses sens et que imaginer, dans cette vision, percevoir le Réel comme un fraction de ce qu'on regarde est absurde puisqu'on est déjà en train d'explorer une exception. Mais il est concevable que cette explication dérange, d'autant plus parce que le Rêve peut être si troublant de réalisme qu'on le voit parfois comme tel.
Les Sacrifices et les Pierres sont connectés aux Rêves
Encore une fois, c'est faux. Les Sacrifices et les Pierres sont des édifices réels porteurs d'un certain nombre de Possibles pleinement intégrés dans notre Réalité. Retrouver ces édifices dans le Rêve consiste à atteindre un Possible de l'Univers des Possibles qui leur ressemble mais qui n'ont aucun lien avec la Réalité. Mutuellement exclusifs ! Cela dit, et il est concevable que cela puisse troubler les Rêveurs, il est parfois arrivé que la proximité comportementale d'un objet telle qu'une Pierre Onirique dans la Réalité et son avatars dans le Rêve soient si connexe qu'on pense pouvoir manipuler l'une dans le Rêve pour obtenir quelque chose dans la Réalité. Le Mage-Rêveur se ment souvent à lui-même en pareille circonstance, poussant en fait accidentellement les Possibles oniriques vers la réalité, ce qui exauce sa propre vision des choses.
En revanche, parce que cela est vrai, il serait amusant pour un Rêveur de rechercher le Possible original qui faisait partie d'une personne avant de lui substituer un Possible onirique lors du sacrifice. Il ne pourrait probablement rien en faire et s'en servir n'aurait effectivement aucune incidence sur le réel, mais il aurait l'assurance de tenir là un élément ayant appartenu jadis au monde réel, en quelque sorte banni de celui-ci. C'est probablement ce que les Avatars des Prométhéens ont fait en quittant notre monde, substituant leur présence réelle à une absence onirique afin de s'en "désincarner".
On peut faire de la magie sans Rêver
Si pour un Mage-Rêveur, apporter un Possible du monde onirique dans le Réel est un acte magique, que dire de celui qui concrétise une idée dans la Réalité par l'art, l'architecture, l'artisanat, l'ingénierie, etc. ? N'est-il pas en train de concrétiser un Possible ? On pourrait penser qu'il existe une forme de magie à exécuter de telles œuvres, que l'idée a été puisée dans l'imagination, dans nos rêves et, donc, qu'elle en provient, comme en provient un Possible apporté par un Mage-Rêveur. Mais non ! Ce qui est réalisable dans notre Réel fait déjà partie de ses Possibles. Que l'idée viennent d'un Possible voisin observé dans le rêve et l'imaginaire n'est pas inconcevable, bien au contraire, mais sa concrétisation dans le réel n'a rien de magique. Cela a déjà été voulu, mis en place par ceux qui ont "créé" le Réel.
Cela ne signifie pas pour autant que le Réel soit aussi strictement isolé dans l'Univers des PossibleS. Au contraire, il est poreux, malléable (sans quoi les Rêveurs n'aurait aucun pouvoir) et son évolution ne dépend pas seulement de la découverte de tous ses Possibles, mais aussi par l'infiltration de nouveaux venus de l'Univers des Possibles. Comment ses mélanges se font-ils ? Sous quelle impulsion ? Pouvons-nous le contrôler ? Ces questions sont globalement sans réponse et restent à élucider.
Notre imagination et nos croyances alimentent le Rêve
Ceci est un point qui reste discutable. Est-ce que, dans l'Univers des Possibles, tout existe déjà, ou pouvons-nous y ajouter, y créer de nouveaux Possibles. Cette cosmogonie, la science du Rêve et de la manipulation des Possibles, suggère que tout existe dans l'Univers des Possibles, ce qui nous amène à penser que nous ne pouvons rien inventer. C'est une question métaphysique d'ailleurs et la simple logique propose des réponses tout à fait satisfaisantes à ce propos : tout ce que nous pouvons imaginer ou rêver fait partie de l'Univers des Possibles; pour créer un Possible qui n'y existerait pas, il faudrait, a minima, en avoir l'idée; si une telle idée survient, alors cela fait partie de l'Univers des Possibles.
Soyons conscient que ce petit raisonnement ne fait que nous affirmer qu'il n'y a fondamentalement aucune différence entre les deux interprétations. Nous pouvons aussi bien inventer les Possibles que les découvrir, cela ne change strictement rien à notre Réalité. La plupart des raisonnements nous poussent à considérer la première interprétation comme la plus plausible, à savoir que tout existe déjà, sinon nous ne pourrions pas expliquer comment deux Rêveurs qui ne se connaissent pas peuvent faire la même découverte dans le monde onirique. De fait, notre imagination et nos croyances n'alimentent pas le Rêve, elles en révèlent le contenu, un contenu infini et parfois inconcevable même pour le plus fou des Rêveurs.